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Le blog de MVDC
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11 décembre 2007

Bio Ettore Sottsass Jr.

                                images(Etagère "Carlton", 1981, Memphis)

Design a aussi rimé avec engagement dans les années 70. Ettore Sottsass en a été la figure emblématique.

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1917 : Naissance à Innsbruck (Autriche), d’un père architecte italien — ancien élève d’Otto Wagner — et d’une mère autrichienne. 10 années plus tard, la famille Sottsass pose ses valises à Turin, ville de l’ouverture intellectuelle européenne par excellence.

1939 : Aussitôt diplômé du Politecnico (école d’architecture de Turin), aussitôt mobilisé et fait prisonnier à Sarajevo. En attendant la Libération, il noircit au fusain les murs de sa captivité.

1947 : S’exerce aux côtés de son paternel à divers projets en Sardaigne (école, village ouvrier) avant de voler de ses propres ailes. Présente à Lugano une exposition de dessins et sculptures, réalise des décors de théâtre, ouvre un studio d’architecture et de design. Protagoniste du Mouvement Art Concret (MAC), il participe à la première exposition de peinture abstraite à Milan. Ce qui lui vaut l’honneur de serrer les mains de Brancusi, Hartung, Pevsner.

1950-1955 : Oeuvre pour la Nation. Dans le cadre du Plan Marshall, il conçoit 14 projets d’architecture pour la reconstruction des villes du nord de l’Italie. 9 verront le jour, ainsi que  quelques publications. Des années de débrouilles, bidouilles et gribouilles, faute d’argent.

1958 : La chance lui sourit. Adriano Olivetti le nomme consultant en design industriel pour chapeauter sa nouvelle division électronique. Fleurissent de son imagination débridée la première calculatrice Elea 9003 (1959, récompensée par le Prix du Compas d’Or), les machines à écrire Praxis 48 et Tekne 3 (1964) qui se feront voler la vedette par la séductrice Valentine (1969, celle qui se voulait l’équivalent du Bic dans sa partie). Une esthétique pop radicale qui ne rencontra pas le succès escompté auprès du grand public mais qui propulsa Junior au firmament des Seniors.

                       1(Machine à écrire portable "Valentine", 1969, Olivetti.)

1961 : Après son premier voyage « essentiel » aux États-Unis, il fait le grand saut en Orient. Hospitalisé d’urgence à San Francisco, il trouve la force d’éditer une publication éphémère — Room East 128 Chronicle — inspirée du numéro de sa chambre d’hôpital et « des journaux du dimanche qui transpiraient la culture pop». Au détour d’un couloir aseptisé, il fume le calumet de la Paix avec les membres de la « Beat generation » (Ginsberg, Ferlinghetti, Corso). À l’heure de la contestation, les hippies deviennent ses amis et ses projets militants se teintent d’antimilitarisme : « Au lieu de faire une grève violente, on peut faire une grève pacifiste et dire : je ne vous donne plus mes pensées, je ne vous donne plus rien ; « Don’t count on me » » reprenant ainsi un de leurs slogans les plus célèbres.

                      0_1(Mobilier de bureau Synthesis 45, Olivetti, en collaboration avec P.A. King, A. Leclerc, B. Scagliola,M. Umeda et J. Young, 1968-75.)

1966-70 : Années spirituelles. Replonge en Orient puis se met au vert. Fait un break archi pour étudier les cas de l’écriture, du dessin, de la photo, de la céramique, de l’anthropologie, du tantrisme. « Le designer est une éponge, certes, mais une éponge cosmique ». Expérimente la production semi-artisanale pour la petite firme toscane de meubles Poltronova. Édite avec Fernanda Pivano - sa femme - et Allen Ginsberg, un manifeste politique, Pianeta Fresco. Porte la voix dans les amphis japonais et anglo-saxons, si haut qu’il finit par se faire sacrer «Docteur honoris causa» par le Royal College of Art de Londres.

       0_2(Machine à écrire portative, Ettera 36, en collaboration avec Hans von Klier. Olivetti, 1970)  
          0_1(Machine à calculer, Summa 19, 1970. Publicité d'époque)

1972 : Débute sa collaboration avec Alessi. Infiltre l’exposition phare du mouvement radical italien « Italy : The New Domestic Landscape » au MOMA (NY). Détracteur du rationalisme bauhaussien, il y compose des environnements flexibles et mobiles, indépendants de l’espace dans lequel ils sont installés (mobilier «Containers »). « Le rationalisme agit comme les autruches : il se cache la tête et s’estime satisfait s’il réussit à droguer des millions et des millions d’hommes avec ses modes d’emploi ». Survolté, il fonde la contre-école d’architecture et de design près de Florence, la Global Tools ; utopie éphémère.

               object791_pic1468_normal(Lampe "Valigia", Stilnovo, Italie, 1977)

 

                 0(MIni-computer M20, 1980, Olivetti)

1981 : Episode Memphis. Au bras de sa nouvelle compagne — la journaliste Barbara Radice — et de son complice Andrea Branzi, le chef de file et ses disciples postmodernes (Michele de Lucchi, Martine Bedin, Michael Graves..) entendent briser les chaînes du fonctionnalisme, mépriser les conventions, railler le bon goût. Objets, tissus, tapis, meubles et luminaires épris de liberté affichent un radicalisme ludique et impertinent (bibliothèque « Carlton », console «Beverly »). Les volumes s’échafaudent, les couleurs s’échaudent, le mariage du noble (bois) et du pauvre (plastique) est consommé. Fer de lance du « Nouveau Design », le Groupe international donne le La de la mouvance avant-gardiste.


                 object907_pic1791_normal(Chaise "Creek", Bieffeplast, Italie, 1980)

                object908_pic1789_normal(Table "Attic", Bieffeplast, Italie, 1982)

 

                       sottsas2(Guéridon, Memphis)

1987 : Détachement. S’éloigne de Memphis pour se recentrer sur son «Moi intérieur», et son agence, Sottsass Associati, fondée en 1982. Au sommet de son engagement, il apostrophe les designers avec une «Lettre ouverte » parue dans Le Monde. L’électron libre appréhende l’après-Memphis et l’après-Olivetti (fin de leur collaboration en 1988) avec discernement. Les titres honorifiques et objets manifestes s’entassent dans sa maison-musée.

1994 : Rétrospective au Centre Pompidou à Paris. Le vieux sage aux cheveux blancs nattés, lévite au-dessus de son œuvre Big-Bang, et se fait le chantre du design humaniste : « Faire du design, ce n’est pas donner forme à un produit plus ou moins stupide pour une industrie plus ou moins luxueuse. Pour moi le design est une façon de débattre de la vie. »

  object467_pic2112_normal(Vase "Mirto", MaruTomi, Japon, 1997)
object757_pic1385_normal(Commode "Architecture", Boscaro Project, 1999)

2004 : Sensibilise l’opinion au Salon du meuble de Milan, lui qui pensait en avoir fini avec les pamphlets. Un singulier lit alcôve («Architectura romantica») fait larmoyer les chaumières à l’incantation d’une salutaire pause face au tumulte de la surconsommation et des objets kleenex : « Des milliards de produits bien faits sont désormais fabriqués à des prix justes, mais qui ne donnent aucune émotion ». Aux armes citoyens, ré-enchantons le quotidien !

        object760_pic1388_normal(Table ronde, Boscaro Project, Italie, 1999)

Article publié dans Magazine N°42 (spécial Design)

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Commentaires
M
Je lis ton blog dans tous les sens, dans le désordre, en survolant bcp trop malheureusement (mais I'll be back) et vraiment, je suis acquise à ta cause, à ta prose. Je me pose juste une question , pourquoi je ne découvre ce blog d'une telle qualité que maintenant??<br /> si en plus tu fais des posts sur le design, là je ne me sens plus de joie!<br /> A très vite
P
Il n'est pas trop tard Nanikaa, j'ai vu qu'il en restait plein chez Colette, niveau -1 ! Cette fois c'est un numéro,spécial design, ça devrait t'intéresser...
N
oh c'est pas vrai je l'ai encore loupé !! pffff demain je vais à la chasse du magazine introuvable…
P
Merci merci de vos gentillesses et encouragements !<br /> ça fait plaisir!
M
Bravo pour ce long billet, aussi instructif qu'agréable à lire.<br /> ENCORE !!!
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